- COOLIE TRADE
- COOLIE TRADECOOLIE TRADEL’exploitation des colonies posa, surtout dans la zone intertropicale, d’immédiats problèmes de main-d’œuvre. De climat peu favorable aux Européens, soumis à de rigoureuses contraintes économiques, tous les territoires ont recours au travail servile. La suppression de la traite puis de l’esclavage coïncidant, dans le premier tiers du XXe siècle, avec l’ouverture de l’Extrême-Orient, va conduire à rechercher dans les zones surpeuplées d’Asie la main-d’œuvre que ne fournit plus l’Afrique. Le nom de coolie trade sert à désigner le recrutement, le transport et l’utilisation de ces travailleurs asiatiques. L’ampleur historique des migrations humaines qu’il entraînera pendant près d’un siècle, les contacts de sociétés et de civilisations qu’il produira en font un phénomène historique presque comparable à la traite mais qui, paradoxalement, a suscité beaucoup moins de travaux et de curiosité jusqu’à ces dernières années.Le terme de coolie trade s’est précisé et ne s’applique qu’aux travailleurs engagés sous contrat (Indentured Labour ) et en provenance d’Asie. Les affranchissements dans les territoires anglais (1834-1838), français (1848) et hollandais (1863) libérèrent plus d’un million d’esclaves dont un faible nombre seulement accepta de continuer à travailler la terre.Le recours au travail pénal fut partout (sauf en Australie) un échec. La traite illicite, menacée, s’affaiblit puis disparut. Les engagements d’Européens (Portugais à Madère) ou d’Africains ne donnèrent que des effectifs réduits. On eut donc recours aux grands réservoirs humains asiatiques. Il faut distinguer dans leurs origines, dans leurs formes et dans leurs conséquences deux sortes de coolie trade: l’indien et le chinois.Dans le coolie trade indien, les travailleurs sont recrutés sous contrat pour un temps déterminé. Des agents approuvés par le protecteur du gouvernement pour les émigrants surveillent à Bombay, à Madras et à Calcutta le respect des règles d’engagement comme des règlements de navigation. Dans chaque colonie d’accueil les travailleurs répartis sur les domaines demeurent l’objet de la protection des fonctionnaires gouvernementaux. À l’issue de son engagement, le travailleur est libre de rentrer en Inde, de renouveler son contrat ou de s’établir sur place.Les premiers recrutements pour Maurice et la Guyane furent interrompus en 1838 après le constat de graves abus. Ils reprirent en 1842 pour Maurice, furent permis, pour les Antilles britanniques en 1844, pour le Natal en 1860. Une convention avec la France en 1861 en autorisa et en réglementa le mouvement vers les colonies françaises. Une semblable convention avec le gouvernement néerlandais l’étendait au Suriname après 1872. Les îles Fidji lui furent ouvertes en 1885. En Afrique de l’Est, sous les auspices du gouvernement britannique, des recrutements commencèrent en 1895 pour la construction du chemin de fer de l’Ouganda.Le mouvement connut son apogée dans les années 1870, se ralentit à la fin du XIXe siècle pour disparaître progressivement. Le recrutement pour Maurice cessa en 1911, celui pour le Natal en 1917, la convention avec la Hollande vint à expiration en 1919, la fin eut lieu à Fidji et en Guyane anglaise en 1920. On peut considérer l’India Emigration Act de 1922 comme marquant le terme de ce mouvement séculaire.L’émigration sous contrat des Chinois commença de façon illicite dès 1840 grâce à la corruption des fonctionnaires. La prohibition légale maintenue jusqu’en 1859 empêcha toute organisation réglementée et permit tous les abus. Les premières destinations furent Cuba et le Pérou. En 1852 les autorités britanniques de Hong Kong créèrent la Colonial Land and Emigration Commission pour exercer un contrôle sur le départ des coolies et prirent des mesures de protection par le Chinese Passengers Act de 1855. Les deux conventions anglo-chinoises de 1859 et de 1860 légalisèrent le mouvement d’émigration vers le territoire britannique. Les autres puissances coloniales signèrent des conventions similaires.Le nouveau système ne fonctionna que jusqu’en 1866, date du refus du gouvernement chinois de continuer à soutenir l’émigration. Elle se détourna vers l’établissement portugais de Macao. Les abus s’y multiplièrent, cependant qu’à Hong Kong, tout en interdisant l’émigration pour des territoires autres que britanniques, la législation des coolies était renforcée en 1868-1870 et en 1873. Ainsi, pendant une dizaine d’années fonctionnèrent parallèlement et suivant des méthodes opposées deux grands ports de départ, Hong Kong et Macao, jusqu’à la fermeture de ce dernier au trafic des coolies en 1874, après la révélation des mauvais traitements subis par les travailleurs chinois. Malgré les interdictions officielles, des départs continuèrent d’avoir lieu par les ports chinois à traité: Amoy surtout, mais aussi Swatow et Kingshow.La convention de 1894 avec les États-Unis, celle de 1904 avec le Royaume-Uni étendue aux autres puissances coloniales (l’Allemagne pour Samoa) élargirent enfin définitivement un trafic qui perdura jusqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale.L’ampleur du mouvement de population que le coolie trade engendra apparaît comme un phénomène majeur. Pour la période 1834-1914, on peut estimer le nombre des Indiens engagés à environ un million et demi, le nombre des Chinois à un chiffre légèrement supérieur. Il faut ajouter, bien évidemment, à ces flux toutes les émigrations libres, notamment pour les régions voisines de l’Inde et de la Chine qui en doublent à peu près le nombre. Les conditions de voyage entraînent dans les premières décennies une forte mortalité à bord. Les exigences et les rigueurs des employeurs causent des pertes importantes dans les territoires d’accueil, surtout dans les deux premières décennies au Pérou et à Cuba. Plus de 40 p. 100 des coolies demeurent sur place après l’achèvement de leur contrat.Ainsi, les neuf millions d’Indiens et les quelque vingt millions de Chinois actuellement répartis dans le monde, hors de leur territoire national, sont pour l’essentiel les descendants de ces premiers coolies.Le mouvement est important pour les pays de départ. Les engagements représentèrent un transfert de capitaux extrêmement élevé, de même que furent considérables les remises des coolies à partir des terres d’accueil. L’ensemble de ces sommes joue un rôle encore mal évalué dans le système des flux financiers vers l’Asie au XIXe siècle. Les coolies revenus dans leurs pays d’origine jouèrent un rôle notable dans la modernisation. L’arrivée de ces émigrants eut non moins d’impact sur les pays d’accueil. Elle entraîna la constitution de communautés parfois devenues majoritaires (comme à l’île Maurice). Elle diffusa des habitudes et des techniques. Le lien est étroit entre le développement de certaines productions et l’utilisation de cette main-d’œuvre (guano du Pérou, sucre des Antilles et de Maurice).Le coolie trade, qui donna lieu sur le moment à d’âpres débats, est redevenu un des secteurs importants de la recherche historique.
Encyclopédie Universelle. 2012.